Projet

une performance au long cours   .    une création géopoétique mêlant photographie, poésie et art action
                                marcher en continu le long du littoral atlantique de Royan à Hendaye
              tracer un double ligne photographique de l’horizon et du trait de côte                 .                
                                                                                   écrire une phrase de 300 mots  aussi longue que le littoral        .        des poèmes-actions improvisés

        LA LIGNE OCEANIQUE est une performance au long cours durant laquelle je vais tracer, par la marche, une ligne depuis Royan jusqu’à Hendaye d’environ 300 km environ, en suivant le littoral atlantique. Vous pourrez suivre en temps réel ce tracé à travers une création numérique en ligne sur laquelle une double ligne photographique de l’horizon et du trait de côte ainsi qu’une phrase (1 mot par km) se constitueront au fur et à mesure de la marche. Mon parcours sera aussi jalonné de performances, et pourra ensuite prendre forme à travers installation et édition.

       A l’heure des grands effondrements, des grands fracas géopolitiques, partir marcher sur ces longues plages atlantiques, ce bout du monde, tracer, entre dunes et marées, une ligne pour conjurer la solastalgie, et faire du sursis un espace d’écriture et de création. Se tenir à cette ligne du littoral, à cette lisière, c’est explorer une limite géographique, une périphérie à l’extrémité du continent Europe, mais aussi une limite temporelle, celle de la finitude humaine face au temps long de la Terre. Le rivage comme ligne de crête, pour retrouver du souffle, et questionner notre présence, notre place parmi les éléments et les vivants et les relations que nous tissons avec eux.

       LA LIGNE OCEANIQUE est une action géopoétique pour habiter et explorer autrement ce territoire littoral, à la fois sauvage et touristique, fragile et puissant. Quitter sa serviette de bain pour être avec lui en mouvement, tenter d’épouser ses formes, ses courbes, ses marées, découvrir ses dimensions multiples … et inventer un contre-tourisme. Arpenter cet espace interstitiel, interface où se rencontrent les forces élémentaires (eau, air, terre), par la lenteur de la marche, qui élargit l’espace, et déjoue l’accélération de nos modes de vie et l’hyper-mobilité consommatrice des humains, c’est une façon de prendre position sur Terre.

      Cette contrainte à la fois géo-graphique (marcher le long d’une ligne) et conceptuelle est aussi un geste radical d’écriture, qui travaille avec les jeux d’échelle et tente d’articuler actions artistiques, photographie, et territoire physique dans une cartographie poétique.

Déroulement : une géopoétique en action ________________

Cette marche sera retransmise à travers une création numérique en ligne qui se construira au fur et à mesure. Une photo du côté océan et une photo du côté terre à chaque kilomètre seront envoyées en temps réel sur un site Internet et ainsi traceront une double ligne photographique à l’échelle du paysage. A cette ligne photographique s’ajoutera une ligne poétique : à chaque kilomètre, j’écrirai un mot qui sera envoyé lui aussi via Internet, pour composer peu à peu une longue phrase tel un poème. 2 x 300 photos et 300 mots pour tracer cette traversée (chiffre indicatif, qui sera lié au nombre exact de km parcourus).

Durant cette marche sans autres interruptions que celles nécessaires des repas et du sommeil, en bivouac sur les lieux, avec un équipement léger, des performances qui travailleront elles aussi le motif de la ligne, de l’effondrement et du jaillissement pourront surgir, au gré de la rencontre avec le territoire. Des actions imprévues, qui seront liées aux moments, aux paysages, aux ressentis et perceptions que je découvrirai, laisser ces possibles ouverts, travailler in situ de façon improvisée, en résonance avec les contextes, et voir comment cet espace littoral, les éléments et la marche transforment mon corps.

A travers ces différents processus d’écriture visuelle et littéraire et ces actions performatives, il s’agira de tisser au long de la marche différentes temporalités, celle du temps géologique et élémentaire de la nature, celle du temps lent de la marche, celle de performances ponctuelles, celle de la projection-diffusion dans l’espace numérique et de sa réception en direct ou différée sur Internet.

L’écologie de la performance sera légère, peu consommatrice de moyens techniques et d’énergies : juste un téléphone portable pour prendre les photos et videos, un sac à dos et une tente.
Contrairement aux oeuvres de Land art, il ne s’agit pas ici de créer de traces durables dans le paysages, mais plutôt de traduire la trace que le paysage laissera en moi. Le littoral est un territoire mouvant, changeant au gré des vents et des marées, sur lequel rien ne peut perdurer dans le temps, être dans la légèreté et l’éphémère est une façon d’être en adéquation avec lui. Les seules traces qui resteront seront celles tout aussi passagères d’une oeuvre en ligne (a une durée de vie inconnue) et d’extensions sous forme d’installation (photographies, videos …) et de publications.
Marcher sans laisser de traces est aussi une façon de prendre position sur Terre ……..

Dans ma démarche artistique qui mêle art action et création intermédia, je questionne depuis plusieurs années les différentes formes de spatialité, des territoires géographiques à l’espace cosmique, en passant par les espaces virtuels et cybernétiques, à travers un usage expérimental, poétique et critique des technologies numériques.
Avec LA LIGNE OCEANIQUE, je poursuis cette dynamique d’exploration par le corps d’un territoire singulier. Ce littoral de la Gironde, des Landes et du Pays Basque m’intéresse pour des raisons à la fois intimes, géographiques et écologiques. Je connais bien une partie de ces paysages, allant depuis ma naissance passer mes étés entre les Landes et le Pays basque, et vivant depuis 15 ans en Charente, mon lien avec l’océan est fort et régulier. Avec cette action, je vais approfondir ma relation à ce territoire en m’y immergeant d’une façon nouvelle façon et travailler avec ces connexions profondes et particulières.
Ces immenses plages des Landes, en grande partie sauvages et relativement épargnées par le tourisme de masse, même si elles me sont familières, constituent un ailleurs, un territoire autre, comme un désert, à la géographie épurée faite de sable, de dunes et de roches, dont la force tellurique et plastique m’impressionne depuis longtemps. Mais il ne s’agit pas d’un simple décor de carte postale, à la beauté évidente, c’est un véritable milieu, riche et complexe, et la puissance des éléments et la vitalité des êtres qui y habitent font de lui un écosystème dont la matérialité m’intéresse vivement ; c’est de façon sensible, concrète, précise et poétique que je souhaite l’explorer. En arrivant dans le Pays basque, la côte devient plus rocheuse, découpée et escarpée par endroit, avec des falaises ; elle est plus urbanisée et touristique, autres couleurs, matières et textures, et les enjeux écologiques se font encore plus vifs, avec la pression de l’emprise humaine.

Dans cette performance, je veux en effet interroger notre relation à l’océan et au littoral en tant qu’espace à la fois ultra-attractif et menacé. Selon les prévisions les plus pessimistes, le réchauffement climatique entrainant la montée des eaux des océans va transformer de nombreux littoraux dans le monde, et celui du Sud-Ouest de la France fait partie de ces territoires qui pourront être fortement transformés. L’idée de cette performance m’est apparue quand j’ai réalisé que je marchais sur des plages qui allaient disparaitre à l’échelle d’une vie humaine, et que ma fille ne les verrait peut-être plus …. Ces plages que je connais depuis 40 ans, point fixe dans mon existence, qui longtemps m’ont semblé être suspendues dans une éternité m’apparaissent désormais comme en sursis …

La marche est une pratique ancestrale, partagée encore par une grande partie de l’humanité, mais aussi au coeur du travail de toute une généalogie contemporaine d’artistes et d’écrivains marcheurs, auxquels je me sens reliée. Action à la fois simple, radicale, minimale, mais qui engage totalement corps et esprit, elle est toujours à expérimenter et à réinventer comme pratique artistique, mais elle est avant tout une modalité d’être au monde, qui est pour moi nécessaire et juste.
Parcourir l’espace à pied nous place à une échelle différente, l’espace s’élargit, il devient bien plus vaste alors même que nous parcourons peu de distance et que nous allons lentement. Et c’est aussi sur la lenteur que je souhaite travailler, habiter le temps long et lent de la marche en résonance avec la lenteur géologique des forces terrestres, pour questionner l’accélération de nos modes de vie et de nos sociétés, ainsi que l’hyper-mobilité consommatrice des humains. Ce serait développer un contre-tourisme.

Cette contrainte à la fois géo-graphique (marcher le long d’une ligne) et conceptuelle est aussi un geste radical d’écriture, qui a une dimension plastique à l’échelle du territoire. Evidemment cette ligne qui a l’air presque droite sur une carte est en fait une ligne sinueuse à une échelle plus grande, et c’est avec cette contrainte et ces jeux d’échelle que je veux travailler pour tenter d’articuler geste plastique, action artistique, et territoire physique dans une cartographie poétique.
Cette marche sera ainsi une performance en soi mais aussi la matrice de créations à venir …

Merci à Antoine Schmitt pour son aide technique et son soutien.

Le projet a reçu le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine.

Cette marche est dédiée à Philippe Castellin, à Anny B, et à Léone et Jean de Gorostarzu, mes grands-parents, qui ont tous aimé profondément les rivages de la mer.